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Maroc — 2010

Mélancolie

#4

Ils voyagent. Ils parcourent des étendues sans fin de poussière brûlante, des villes fantômes seulement habitées par des murmures indistincts. Ils courent après une population qui se terre dans la fraîcheur des habitations, qui se mure derrière une religion. Les gens s'enfuient à leur approche, les regards se détournent.

Alors ils roulent, fenêtres grandes ouvertes. Ils courent après des instants chatoyants qui se fanent peu à peu. Les paysages s'effacent, écrasés sous un soleil qui blanchit tout. Les forêts s'assèchent, les murs se fissurent. Ils sont les témoins du temps, fragments de ce qui est, de ce qui fut. Ils vivent des instants et déjà se retournent pour seulement se les remémorer.

#3

Nous reste seulement quelques clichés. On s'y replonge avec l'espoir de rattraper une sensation que nous avions déjà laissée filer derrière nos objectifs. Nous violons le réel pour en conserver toute l'intensité, mais s'étale devant nous une version édulcorée, usurpatrice de nos souvenirs. Et le présent prend alors la couleur de l'indifférence d'hier et d'aujourd'hui.

Ce voyage a déjà le noir et blanc de l'oubli. Dans un pays fantôme de lui-même, le vent brûlant a soufflé et emporté le peu de vie que nous y avons croisé. Ne nous reste à présent que le goût de la poussière qui a recouvert ces passions. Elles sont grises, minérales, dures comme le roc. Elles ont la froideur d'un réel qui s'est encrassé sous des couches de détachement.


Le chemin

  

texte « mélancolie » : Perrine Labussière.

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